Depuis 5-10 ans, une typologie de poste importée de l’écosystème tech US fait de plus en plus son apparition en France : les “ops”.
Souvent précédée du nom du métier qu’ils accompagnent (sales ops, customer ops, support ops, finance ops,…) ou d’un terme plus généraliste (business ops, revenue ops), quel est en réalité le rôle de ces équipes ?
Qu’est-ce que les Revenue Operations ?
Les Revenue Operations recouvrent l'ensemble des activités qui soutiennent le bon fonctionnement des différents départements d'une entreprise. Contrairement aux équipes qui sont directement en contact avec les clients (ventes, service client, marketing), les RevOps agissent en coulisses pour garantir que ces équipes fonctionnent de manière optimale. Ils jouent un rôle d’optimisation des processus, de gestion des outils et de facilitation de la collaboration entre différents services.
Leur objectif principal est de s'assurer que chaque service dispose des ressources, des données et des outils nécessaires pour atteindre ses objectifs. Cela implique également la mise en place de systèmes pour mesurer la performance et proposer des ajustements si besoin.
Les missions clés des Revenue Operations
1. Amélioration continue des processus
Les équipes RevOps sont responsables de l’identification des inefficacités dans les processus internes et de leur résolution. Que ce soit en automatisant des tâches manuelles, en intégrant de nouveaux outils ou en repensant complètement certaines étapes, leur objectif est d'augmenter la productivité et de minimiser les goulots d'étranglement.
Exemples de mission “process” typiques :
- Refonte d’un process de prospection, de vente, d’onboarding, de suivi client, de gestion de tickets, de support, de churn client…
- Déclinaison opérationnelle d’une réorganisation d’équipe
- “Post merger integration” : analyse et intégration des process de 2 sociétés dans le cadre d’un rachat d’entreprise…
2. Gestion des outils et des technologies
Une grande partie du rôle des RevOps consiste à sélectionner, déployer et gérer les outils technologiques utilisés par les différentes équipes. Cela peut inclure des CRM, des logiciels de gestion de projet ou des plateformes d’analyse de données. Ils veillent à ce que les équipes puissent utiliser ces outils efficacement et qu'ils soient bien intégrés dans l'infrastructure technologique de l'entreprise.
Exemples de mission “outils” typiques :
- Administration du CRM, intégration du CRM à d’autres outils (VoIP, ERP, CPQ, marketing, …)
- Migration de CRM
- Benchmark, test et achat de solutions
- Gestion des licences et de renouvellement...
3. Analyse des données et prise de décisions
Les RevOps utilisent les données pour guider les décisions stratégiques et opérationnelles de l'entreprise. Ils fournissent des rapports réguliers qui mesurent la performance des différents services et identifient les opportunités d'amélioration. En analysant ces données, ils sont capables de proposer des ajustements qui auront un impact positif sur l’ensemble des opérations.
Exemples de mission “data” typiques :
- Définition des business plans (prévision de vente, prévision de charge support, définition des plans de recrutement)
- Préparation des boards / CA
- Mise en place du pilotage opérationnel : définition des KPI, implémentation des dashboards
- Analyses ad hoc : analyses nécessaires à la prise de décision pour le management et le leadership de l’entreprise...
4. Support transversal
L’un des rôles essentiels des RevOps est de servir de point de liaison entre les différents départements de l'entreprise. Ils veillent à ce que les équipes de vente, marketing, service client, finance et autres travaillent ensemble de manière harmonieuse. Ce rôle transversal permet d’éviter les silos et d’assurer que l'information circule efficacement entre les équipes.
Exemples de mission “transverses” typiques :
- Gestion de projet
- Gestion des transformations de l’entreprise
- Alignement des équipes sur les objectifs communs…
Pourquoi les Revenue Operations sont-ils indispensables ?
Les Revenue Operations permettent aux entreprises d'optimiser l'ensemble de leurs ressources en s'assurant que chaque département fonctionne au maximum de sa capacité. Grâce à l'amélioration des processus, à l'optimisation des outils et à l’analyse des données, ils permettent une meilleure coordination entre les équipes et garantissent que les objectifs globaux de l’entreprise sont atteints.
Dans un environnement de plus en plus axé sur les résultats et la rapidité d’exécution, la fonction RevOps offre à l’entreprise une flexibilité et une agilité accrue. En réduisant les inefficacités, ils augmentent la capacité des équipes à générer de la valeur tout en minimisant les coûts. De plus, leur capacité à analyser des volumes importants de données en temps réel permet une réactivité accrue face aux évolutions du marché.
Exemples d’activités : Sales Ops vs Customer Ops
Bien que les Revenue Operations couvrent un large éventail de fonctions, leurs deux déclinaisons métier les plus courantes sont les Sales Ops et les Customer Ops, chacun ayant des activités spécifiques :
- Sales Operations (Sales Ops) :
- Optimisation des processus de vente (réduction des cycles de vente, gestion du pipeline).
- Automatisation des tâches répétitives liées aux ventes (envoi de devis, gestion des leads).
- Gestion du CRM pour s'assurer que les données clients et prospects sont bien organisées et mises à jour.
- Suivi des performances des équipes commerciales à l’aide de tableaux de bord.
- Customer Operations (Customer Ops) :
- Gestion des interactions avec les clients via des systèmes de tickets pour améliorer la satisfaction client.
- Amélioration des processus d’onboarding pour garantir une meilleure expérience client dès le départ.
- Mise en place de systèmes de feedback pour suivre les besoins et les attentes des clients en temps réel.
- Coordination des équipes de support pour répondre efficacement aux demandes et résoudre les problèmes techniques.
Les Revenue Operations sont une fonction indispensable à la performance globale de l'entreprise. En gérant les processus internes, les outils technologiques et en s’appuyant sur l'analyse des données, ils permettent à l’entreprise de rester compétitive et agile. En parallèle, les spécialisations comme les Sales Ops et les Customer Ops garantissent que les équipes de vente et de service client bénéficient d’un soutien adapté, permettant d’optimiser leurs performances et d’offrir une meilleure expérience client.
Origine des profils
Le métier étant plutôt récent en France, peu de profils ont aujourd’hui plus 5-6 ans dans le rôle, et l’ont exercé dans plusieurs entreprises. Il peut donc être compliqué pour une entreprise de recruter directement des ops ayant directement de l’expérience dans le métier, et celles-ci se tournent donc souvent vers d’autres viviers.
Les personnes recrutées sur ces postes proviennent donc principalement de 3 origines :
1. Le profil issu de la vente ou du Customer Success (ex-sales, ex-CSM)
Ce candidat a décidé de s’éloigner de l’interaction client. Désireux de s’impliquer davantage dans des projets stratégiques, il aspire à travailler sur des sujets tels que les processus internes, les plans de commissionnement, ou encore l’organisation.
Points forts :
- Expertise métier : Sa connaissance approfondie des réalités du terrain le rend capable de proposer des solutions pertinentes et réalistes. Sa proximité avec l’équipe de vente et sa crédibilité auprès d’elle facilitent l’adoption des process qu’il met en place.
Points d’attention :
- Manque de compétences techniques : Ce profil a généralement peu de connaissances en modélisation, architecture technique (SQL, CRM, etc.), ou en gestion avancée de bases de données. Il lui faudra se former sur ces sujets pour être pleinement efficace dans son nouveau rôle.
2. L’ex-consultant
Ayant travaillé pour de grandes entreprises, ce candidat a souhaité quitter les projets de longue haleine, éloignés des réalités opérationnelles, pour avoir un impact plus direct et concret.
Points forts :
- Capacité d’écoute et d’analyse : Grâce à son expérience en conseil, il excelle dans l’écoute active et la résolution de problèmes. Il sait transformer des problématiques complexes en solutions concrètes, tout en maîtrisant la gestion de projet.
Points d’attention :
- Pragmatisme opérationnel : Ces profils n’ont souvent jamais travaillé sur des tâches concrètes et peuvent être réticents à mettre la main à la pâte. Il est crucial de tester rapidement leur capacité à se confronter aux outils et processus du quotidien, car ce manque de pragmatisme pourrait devenir un frein à leur succès dans la fonction Ops.
3. Le profil financier
Issu du monde de la finance (M&A, private equity, ou finance d’entreprise), ce candidat a développé une expertise pointue dans les domaines de la modélisation et de l’analyse financière.
Points forts :
- Maîtrise des sujets financiers : Ces profils sont particulièrement efficaces pour élaborer des business plans, définir des objectifs de recrutement ou encore gérer la modélisation d’objectifs financiers à long terme.
Points d’attention :
- Adaptation aux processus et outils opérationnels : N’ayant souvent travaillé que sur des problématiques financières, ces profils peuvent avoir des difficultés à s’immerger dans la réalité opérationnelle d’une équipe. Il est essentiel de les accompagner pour les aider à se connecter au terrain et à s’adapter aux outils non financiers utilisés au quotidien.
En définitive, chacun de ces profils peut potentiellement devenir un excellent Ops, à condition de bien comprendre leurs forces et faiblesses respectives. Il est crucial d’aligner les compétences du candidat avec les besoins spécifiques de l’entreprise et d’anticiper les points d’amélioration nécessaires. Une évaluation rigoureuse en entretien, notamment par la mise en situation, permettra de vérifier la capacité d’adaptation et la compatibilité du profil avec le rôle opérationnel.
Salaires dans les équipes opérations
La principale ressource en France sur le sujet est l’étude annuelle du Business Operations Network. Elle est menée auprès de près de 400 personnes, provenant de 117 entreprises telles que Doctolib, PayFit, Swile, et BlaBlaCar.
L'expérience médiane des répondants est de 5 ans, avec 3 ans d'expérience spécifique dans les métiers Ops. Environ 60% des participants occupent des postes de senior, lead ou manager.
Salaires par niveau hiérarchique
- Managers/Team Leads : Salaire médian de 64K€, avec un maximum à 107K€. 64% bénéficient d'un bonus.
- Seniors : Salaire médian de 56K€, avec un maximum à 88K€. 56% ont un bonus.
- Juniors/Entry Level : Salaire médian de 47K€, avec un maximum à 50K€ et 61% avec un bonus.
- Directeurs/VPs : Salaire médian de 102K€, avec un maximum à 166K€. 80% bénéficient d'un bonus.
Salaires par expérience
- Pour moins de 2 ans d'expérience : 45K€ de salaire médian.
- Pour 5 à 6 ans d'expérience : 77K€ de salaire médian.
- Pour plus de 16 ans d'expérience : 99K€ de salaire médian.
Informations supplémentaires
- La présence de responsabilités managériales entraîne généralement des salaires plus élevés, surtout à partir de 5 ans d'expérience.
- Les salaires des Ops ont augmenté en moyenne de 8% en 2023, malgré le contexte économique difficile.
- 64% des professionnels Ops bénéficient d'un mécanisme d'intéressement au capital de leur entreprise (BSPCE), particulièrement les directeurs (76%) et VP (80%).
- 55% des Ops ont une part variable dans leur rémunération, souvent basée sur la performance individuelle et/ou celle de l'entreprise.
Cette étude révèle que les métiers Ops sont en pleine croissance en termes de rémunération et de reconnaissance, avec une importance croissante du variable et de l'intéressement. Le management des équipes joue un rôle clé dans l'évolution des salaires, et les entreprises adaptent leurs politiques de rémunération pour retenir les talents.
Comment structurer une équipe opération
Dimensionnement de l’équipe
Dans les premiers moments de l’émergence de la fonction Ops au sein de l’entreprise, on observe assez souvent le ratio 1/10 entre le headcount Ops et le headcount métier (sales / customer success ou care, etc).
Cela est notamment dû au fait que cela correspond souvent à des périodes de structuration importante pour l’entreprise :
- Absence d’Ops par le passé : impliquant un grand nombre de besoins, de projets, et donc de ressources
- Forte croissance : impliquant le besoin de se réinventer en permanence, et amenant donc à nouveau un grand nombre de projets de structuration confiés aux Ops
Au fur et à mesure que l’entreprise grandit et se structure, le ratio Ops / métier tend souvent à diminuer. On observe souvent une stabilisation de ce ratio à 1/20.
Quoi qu’il en soit, ces benchmarks sont une règle générale à adapter à chaque situation. Les Ops étant des experts métiers, plus ils accompagneront un grand nombre de métiers, plus l’organisation Ops sera conséquente.
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Exemple :
Pour un service client de 100 personnes composé comme il suit :
- Une équipe support (elle-même divisée en 3 niveaux) : 25 personnes
- Une équipe onboarding : 25 personnes
- Une équipe back office : 25 personnes
- Une équipe success (ou account manager) : 25 personnes
→ 4 à 5 Ops minimum, au moins 1 par métier
Pour un service commercial de 100 personnes composé comme il suit :
- Une équipe prospection : 50 personnes
- Une équipe vente : 50 personnes
→ 2 Ops minimum, au moins 1 par métier
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Rattachement hiérarchique de l’équipe
L’organisation doit évoluer pour répondre aux besoins du moment de l’entreprise. On retrouve souvent quatre phases typiques de l’évolution d’une organisation Ops.
Étape 1 : Reporting direct aux équipes métiers
Dans cette première phase, les équipes Ops, comme les Sales Ops et les Customer Success Ops, reportent directement aux responsables métiers (Head of Sales, Head of Customer Success, etc.). Ces départements sont généralement à l’origine du besoin et du recrutement de ces profils Ops.
Avantages
- Proximité métier : Être directement intégré dans les équipes métier permet une meilleure compréhension des besoins, une réactivité face aux besoins, et favorise la création de relations de confiance avec les équipes.
Inconvénients
- Organisation en silo : Ce modèle crée une fragmentation entre les différentes équipes Ops (Sales, CS, etc.), ce qui empêche la création de synergies entre des fonctions qui, pourtant, partagent beaucoup d’objectifs communs.
- Conflits d’intérêts : Les métiers peuvent privilégier des projets qui leur sont bénéfiques, au détriment d’initiatives globales qui sont peut-être moins directement utiles à l’équipe, mais nécessaires pour l’entreprise.
Étape 2 : Centralisation partielle des équipes Ops
Lorsque les entreprises souhaitent centraliser leurs équipes Ops sans les rattacher directement aux départements métiers, on observe souvent deux modèles : un reporting à un C-Level corporate, comme le CFO, ou à la direction Growth.
Avantages
- Création de synergies : Cette centralisation permet de mutualiser les ressources, comme la mise en place d’une équipe CRM commune à plusieurs départements, renforçant ainsi l’efficacité opérationnelle.
- Proximité avec la finance : En rattachant les Ops au CFO, l’équipe est plus proche des budgets et peut bénéficier d’un soutien financier accru pour ses projets.
Inconvénients
- Absence d’indépendance complète : Les Ops restent une sous-fonction d’un autre département, ce qui les empêche d’atteindre l’autonomie nécessaire pour devenir un pilier stratégique au sein de l’organisation.
Étape 3 : L’Ops devient un département autonome
Dans cette phase, l’Ops devient un département à part entière avec son propre leadership au niveau VP ou C-Level, prenant ainsi une place à la table du comité exécutif.
Avantages
- Rôle stratégique : Les Ops acquièrent un rôle central dans l’élaboration et l’exécution de la stratégie d’entreprise. Ils deviennent moteurs des grands projets de transformation organisationnelle.
Inconvénients
- Risque de déconnexion : Avec cette montée en puissance, il existe un risque que l’équipe Ops perde de vue les besoins quotidiens du terrain, en se concentrant davantage sur des projets stratégiques à grande échelle.
Étape 4 : Un retour partiel vers les métiers
Au fur et à mesure que l’organisation grandit, le fossé entre les projets stratégiques globaux et les besoins opérationnels du quotidien devient difficile à combler pour une seule équipe Ops centralisée. Ainsi, une partie de l’équipe reste au niveau central, tandis qu’une autre partie est réintégrée dans les équipes métiers.
Avantages
- Équilibre entre stratégie et terrain : Cette approche hybride permet de conserver une équipe dédiée aux projets de transformation stratégique, tout en assurant un suivi direct et réactif des besoins métiers.
Conclusion
Les équipes Revenu Operations, ou “ops”, jouent un rôle stratégique et transversal au sein des entreprises en optimisant les processus, en gérant les outils et en facilitant la collaboration inter-départements. Leur mission est claire : améliorer l’efficacité opérationnelle pour permettre aux équipes métiers de se concentrer sur leur cœur de mission et d’atteindre leurs objectifs. Véritables architectes des coulisses, les ops sont les garants de la fluidité des opérations internes, créant ainsi les conditions nécessaires pour soutenir la croissance et l’agilité des organisations modernes. Leur contribution devient aujourd’hui indispensable pour les entreprises qui cherchent à naviguer avec succès dans un environnement en constante évolution.